Foundations
Traduction par William Vilmer et Yannick Cordonnier Hernois et mise en page par Yannick Cordonnier Hernois.

 

La maison de Bob Phillips à la périphérie de la ville :

"Tout le monde possède des capacités psychiques mais seuls les initiés savent l'utiliser." Anne Winston est assise dans la salle de séjour de la maison de Bob Phillips, le directeur financier du Groupe Sumner. Son épouse, Carol, une maigre blonde essayant en vain de paraître chic, a servi un plateau de crudités, accompagnés de sauce quacamole ainsi qu'une carafe de thé glacé. Elle écoute avec attention tous les mots que prononcent Anne. "Il faut une somme énorme de concentration, d'intelligence et de discipline pour interpréter les images et les impressions."

"Waouw! Je suis vraiment impressionnée que vous ayez ce don. Quelle habileté originale! Je disais justement à Bob ce matin que nous devrions entrer en contact plus souvent avec nos âmes d'enfant. Il faut moissonner nos âmes de temps en temps, vous savez. Nous avons suivi des cours de méditation l'année dernière mais c'était trop difficile pour Bob : il n'arrivait pas à se relaxer. Le Groupe Sumner est tellement compliqué. Vous devez faire des efforts énormes afin que Monsieur Sumner puisse accéder à des séances de relaxation."

"Oui, oui, très chère," intervient Anne. Elle a vite compris, grâce à ses nombreuses rencontres et ses expériences sociales et mondaines, que Carol Phillips n'est rien d'autre qu'une fille du peuple qui fait un bon mariage qui lui a permis de s'élever dans la hiérarchie sociale, en passant des provinces perdues de la vallée aux élégantes banlieues de la côte. "Maintenant, commençons la séance. Donnez-moi votre montre."

Carol obéit. Anne masque son dégoût face à la minable Rolex. La pauvre. Et en plus, elle s'imagine être à la mode, pense-t-elle. "Fermez les yeux. Je vais compter jusqu'à dix. Respirez profondément afin de purifier votre aura." Anne observe le living room pendant que Carol a les yeux fermés. Cet intérieur est désespérant. Style de Santa Fe, milieu des années '80. Elle a repéré une photo de Bob et Carol en face de la Tour Eiffel. "Ouvrez les yeux," ordonne Anne après que Carol ait terminé son exercice de respiration.

"J'en appelle aux guides de l'esprit afin que son chemin puisse lui être révélé," Anne ferme les yeux à son tour et tient fermement la montre de Carol dans ses mains. Elle ne dit pas un mot pendant quelques instants et reprend ensuite, "Je vous vois, vous et Bob heureux, dans une ville qui semble... européenne. Notre Dame me vient à l'esprit."

"Paris! C'est là que Bob et moi avons passé notre lune de miel. Il était malade. On a découvert qu'il était intolérant au lactose après avoir mangé trop de fromages."

"Oui. Je vois un autre voyage dans un futur proche pour vous deux... au printemps... Une autre opportunité de bonheur... Des fondations." Les derniers mots sortent de la bouche d'Anne avec force.

"Des fondations? Oh, Mon DIEU! Les fondations de notre maison! Va-t-elle être détruite dans un grand tremblement de terre?" Carol Phillips regarde autour d'elle nerveusement et imagine sa jolie maison en ruines.

Anne ne répond pas. Elle éprouve les mêmes vibrations qu'elles avaient ressenties la semaine précédente en écoutant les propos de Greg et de Bob. Son esprit se remplit d'une succession d'images. Anne essaie d'y percevoir un sens mais toutes ces images voyagent trop vite dans sa tête. Sa mère, sa scolarité, Paige bébé, son premier mari Frederick, Mack, Les Hampton, Shakespeare in the Park, un bébé, le petit appartement que partageaient Mack et Greg en faculté de droit, Claudia. Toutes ces image se mélangent. Elle entend la voix de quelqu'un et aimerait que Carol se taise afin de mieux se concentrer. Tout à coup, les vibrations et les images du passé cessent. Anne ouvre les yeux.

Carol est en train d'écrire de manière acharnée sur le dos d'une enveloppe. Elle termine et regarde Anne avec effarement.

"Oh... mon... DIEU! Si j'avais eu un enregistreur. Vous avez dit tellement de choses. J'ai juste pris au vol ce que j'ai pu."

"Ah bon?" Anne se sent légère et emplie d'une quiétude étrange. Elle éprouve une sensation de sérénité, la plus grande depuis son coma à l'hôpital il y a plus d'un mois.

"Oui! Vous avez parlé de l'arrivée du nouveau millénaire, de l'importance d'aider l'humanité, de la popularité croissante du bénévolat et de la charité, d'un gigantesque transfert de richesses, des particuliers vers les fondations qu'ils mettent en place. C'était tellement détaillé. Je suis sure de ne pas avoir compris la moitié de vos propos. Vous avez déjà oublié?"

"Non... Euh... Je ne me souviens jamais de mes divagations," ajoute Anne rapidement. Le regard de Carol est interrogateur. J'y suis arrivée! Ça a marché! murmure-t-elle en silence. Anne essaie de cacher son propre étonnement face à cette femme au foyer.

"Et bien, je suis complètement soulagée, maintenant. Je vais cesser de m'inquiéter à propos de ce tremblement de terre et je vais faire une donation à l'United Way. Je serais heureuse de travailler pour votre fondation aussi."

"Ma quoi?"

"Votre fondation. Vous savez, vous en avez parlé. Vous avez dit qu'elle va faire du bon travail et qu'elle va aider le Groupe Sumner dans son image de marque."

Anne se lève et rend la montre à Carol. Ses pensées se bousculent. "Mon Dieu! Il est tard. Il faut que j'y aille ma chère. N'oubliez pas de respirer profondément lorsque vous méditez. Et... Et... ayez des accessoires convenables. Nordstrom fait de jolies robes en soie japonaise. Elles sont parfaites pour s'asseoir les jambes croisées."

Devant la porte, Carol donne un chèque à Anne. "Considérez cela comme une donation pour tout le merveilleux travail que vous faites. Vous êtes quelqu'un de bien. Vous m'avez, disons, inspirée." Elle ouvre la porte. "J'espère que vous allez vous réconcilier avec votre fille très bientôt."

Anne se retourne vers Carol. Cette dernière a les larmes aux yeux. "Qu'avez-vous dit?"

"J'espère que vous allez vous réconcilier avec votre fille très vite. C'est ce que vous disiez sans arrêt : 'La fondation va réunir la fille.' Comment va Paige? Bob et moi avons été surpris d'apprendre son départ pour New York et le Groupe Sumner n'est plus le même depuis qu'elle est partie. Bob espérait son retour lorsqu'il a appris qu'elle était revenue à Knots Landing." Le téléphone retentit. "Il faut que je réponde! C'est ma mère et je ne peux pas attendre : il faut que je lui raconte tout. Merci, Anne!"

Carole referme la porte. Anne est à l'extérieur, abasourdie. Elle regarde le chèque dans sa main et les sensations de vibration reprennent. Le montant est de 500 dollars à l'ordre de la Fondation Mary Frances Sumner.

 

Plus tard - La bibliothèque de Knots Landing :

"C'est ici, Mademoiselle Winston. Je l'ai trouvé sous la rubrique 'Fondations de l'Etat de New York, dans l'annuaire national." Le bibliothécaire aux cheveux gris baisse ses lunettes au niveau de son nez et tend à Anne le registre afin qu'elle puisse le lire. Il indique de son doigt le paragraphe concerné. Anne commence à lire. Elle a quitté Carol Phillips il y a moins d'une heure. Elle aurait pu arriver à la bibliothèque encore plus tôt si elle n'avait pas dû demander son emplacement. Elle n'a plus mis les pieds dans une bibliothèque depuis le lycée.

"Il est écrit qu'elle fut fondée en 1992 et ensuite il y a ce long numéro. Que veut-il dire?"

Le bibliothécaire se rapproche de l'ouvrage. "Ce sont les actifs de la fondation. Vingt-trois millions de dollars au total - pas mal pour une fondation qui n'a pas encore dix ans."

Anne essaie de cacher son excitation. Vingt-trois millions de dollars! "Et la... présidente de la fondation. Que fait-elle?"

"Jane Stillman Sumner," lit le bibliothécaire. "Elle gère la fondation, contrôle les actifs, délivre des bourses, etc. Vous voulez postuler afin d'obtenir une bourse?"

"Non. Je veux un emploi. Je suis allée à l'école avec Jane Stillman. Nous étions les meilleures amies. Il n'y aurait pas eu de Marie Frances Sumner si je n'avais pas présenté Jane à Greg Sumner. Je veux être le responsable de cette fondation sur la côte ouest. Je veux que ma fille soit fière de moi et je veux l'aider à récupérer son emploi au Groupe Sumner. Je vais être la mère modèle qu'elle a toujours désiré!"

"Super! Jerry Lewis rencontre June Cleaver," claque l'homme qui est derrière Anne dans la file qui s'est formée depuis son arrivée au bureau d'informations. "Ecoutez, ma chère, je suis très pressé, je travaille sur un projet de recherche. Vous pouvez accélérer?"

Anne se retourne et, à l'aide d'une grimace, regarde l'homme de bas en haut. "Vous devriez faire des recherches sur les bonnes manières. Mais je serais heureuse de m'occuper de vous en priorité dans mon organisation caritative. Je crois sincèrement qu'il y a beaucoup à faire pour les attardés mentaux ainsi que pour les gens sans aucune classe."

En s'éloignant d'un air hautain, l'homme s'écrie, "C'est ça! J'attends de voir ton téléthon, chérie!"

 

Le nouveau bureau de   Jack Eewing :

"Jill!" s'écrie Jack. Sa secrétaire arrive. "Pourriez-vous m'aider à trouver un moyen pour que ce cadre reste suspendu?" Il prend le cadre tombé à terre et l'appose contre le mur, dans un angle plus sûr. "Je vois qu'après le shopping, vous êtes maintenant spécialiste en décoration."

Jill le taquine en regardant la photographie. "C'est beau, en tous cas."

"En effet!" Jack et Jill se retournent en entendant Harvey Gellman sur le pas de la porte. Il transporte deux pots de fleurs. Il s'approche de Jill et lui sourit, l'air charmeur. "C'est pour vous, cadeau des pépinières Caldano, notre tout nouveau client!" Il donne un pot à Jill et l'autre à Jack.

Tout à coup, la porte adjacente s'ouvre et Abby, rayonnante, entre dans le bureau de Jack, flanquée de Brian, tout aussi joyeux.

"Harvey! Brian vient de me dire que le contrat client des pépinières Caldano vient d'être finalisé."

"Signé ce matin. Roberto Caldano l'a accepté et l'a retourné avec une douzaine de pots de fleurs pour chacun d'entre nous."

"Félicitations, Brian! C'est magnifique!" s'exclame Karen en entrant dans le bureau, un dossier à la main. Jack aussi y va d'un cri de satisfaction.

"Merci, Tante Karen."

"Mon bébé a déniché le nouveau premier client du Groupe Sumner. Il a mérité un bonus." Abby met la main dans les cheveux de son fils.

Brian rougit et fait une grimace. "Arrête, Maman! C'est embarrassant."

"Je crois qu'un déjeuner de fête s'impose," suggère Jack.

"Oui. Et c'est Brian qui offre," ajoute rapidement Harvey. "Dépensons ce bonus!"

"J'ai déjà prévu mon déjeuner avec Olivia," explique Brian en signe d'excuses.

"Pas de chance," répond Harvey. Il s'adresse ensuite à Jill, tout sourire. "Il n'y a pas que Cunningham qui a le droit de déjeuner avec une jolie brune. Que diriez-vous de manger un morceau à la plage?"

"C'est meilleur qu'à la cafétéria," répond Jill timidement. Elle lance un regard à Jack mais il est déjà de nouveau occupé à suspendre son cadre. "J'aimerais bien, Harvey. Merci!"

Abby fronce légèrement des sourcils, puis s'adresse à Brian avec un sourire. "Chéri, va donc au Département Marketing et aide-les à établir un communiqué de presse sur l'arrivée au sein du Groupe des pépinières Caldano. Lydia voulait en publier un, après la signature de l'accord. Et Jill, déposez les dossiers immobiliers Peterson sur mon bureau avant de partir, s'il vous plaît!" Sa secrétaire s'apprête en effet à partir avec Brian et Harvey.

Jack s'adresse ensuite à Karen. "Et bien, on dirait qu'aujourd'hui, c'est le jour des déjeuners pour les jolies brunes. Je peux vous inviter?"

"Avec plaisir," sourit Karen. "J'ai rassemblé quelques informations sur le sénateur Pound et sur ses votes à la Commission du Territoire de l'Etat. Nous pouvons étudier tout ça pendant le déjeuner."

"Peut-être que les pépinières Caldano pourraient s'investir dans l'assainissement de Point Lotus?" propose Jack. "J'imagine qu'ils seraient d'accord de soutenir une cause liée au respect de l'environnement."

"En voilà une idée!"

"Quel enthousiasme vous deux!" s'exclame Abby de manière sarcastique. "Vous pourriez peut-être contacter Mickey, Bambi et tous les autres et organiser une récolte de fonds dans une étable. Jack, il faut que je te voie cinq minutes dans mon bureau."

"Je vous attends en bas dans 15 minutes, Jack," réplique Karen, en défiant Abby du regard.

Jack suit sa femme dans son gigantesque bureau qui donne l'impression que celui de Jack est, somme toute, assez modeste en comparaison. Abby attrape une grosse boîte et sort des épais dossiers. Elle les tend à son mari.

"C'est quoi?"

"Les sociétés immobilières de Peterson. Au cas où tu l'aurais oublié, le Groupe Sumner finance un projet de construction de logements à loyer modéré. Et je peux t'assurer que Hilda Pound, tous les autres sénateurs de l'Etat, ainsi que nos clients, seront bien plus intéressés par ce projet de construction qui permettra d'offrir un logement décent aux rescapés du tremblement de terre, plutôt que de nettoyer une quelconque flore sauvage. Tu fais partie du Comité de gestion. Toi et ta consultante devez vous concentrer sur les vrais problèmes auxquels fait face cette compagnie et non pas perdre un temps fou sur la dernière croisade-sauvetage de violettes de Karen. La prospection de sites potentiels avec Peterson doit commencer incessamment."

"Oui, ma chérie," répond Jack, platement. "Ta première idée était plus agréable. Est-ce que Peterson aime chanter et danser, crois-tu? Je connais une bonne étable." Jack sourit en se dirigeant vers son bureau. Il transporte le lourde boîte de dossiers. Abby attend qu'il sorte et éclate de rire.

 

Et Maintenant...

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