Le ranch Sumner :

“Masako qui?” Kate, tenant d'une main son téléphone portable à l'oreille tout en se penchant pour attraper avec son autre main Brandon avant que le bambin soit trop prêt de la clôture du parc à poneys. Jake, un des hommes du main du ranch, fait trottiner lentement un poney autour du parc avec Mollie perchée sur son dos. La jeune fille fait un signe de la main à sa mère toute fière au moment où elle passe devant elle.

“C'est très bien, chérie,” crie Kate. “Non, pas toi, Brian,” dit-elle dans le téléphone. “J'apprécie que pour une fois tu vas être à la maison pour le dîner mais je ne pense pas que j'ai envie de recevoir ce soir. Les gosses m'ont épuisé." Brandon commence à gémir en protestation pendant qu'il tire pour que sa mère le lâche afin qu'il puisse monter sur le poney. “Hé... hé... Brandon, arrête!... Et bien, qu'est-ce que je suis supposée faire? Je ne connais pas la cuisine japonaise... Quoi?... Non, je ne ferai pas du sushi! Je suis sûre que ton amie en a mangé assez au Japon. Pouvons-nous remettre cela à demain soir?... Ce n'est pas que je ne veux pas être coopérative... Brandon! Si tu ne te calmes pas, maman te ramène à l'intérieur!... Bon, Brian,” Kate fronce les sourcils, “je ne peux pas te parler pour l'instant. A quelle heure seras-tu à la maison?... A tout à l'heure.”

“Kate, ma chère. Ça fait si longtemps que je ne t'ai pas vue!” La voix de Anne résonne alors qu'elle s'approche du ranch. Kate se retourne et Brandon se met à hurler alors que sa mère le serre plus fortement.

“Oh, regardez combien il est devenu grand,” se répand en compliments Anne.

“J'ai promis à Mollie qu'elle pourrait monter aujourd'hui Beauty après l'école, enfin c'est ce que nous avions prévu. Regarde qui est là,” dit gentiment Kate à son fils, essayant tous les moyens pour lui faire arrêter ses hurlements. “Va dire ‘bonjour’ à tante Anne?”

Le visage de Brandon est tout rouge et les larmes de colère ruissellent sur son visage. “Non!” dit-il avec un air de défi mettant sa tête sur l'épaule de sa mère tout en continuant ses pleurs.

“Il vient d'avoir deux ans, il devient un peu difficile, je pense,” explique Kate en s'excusant, “Il est à un stade où il veut tout faire tout seul et ne m'écoute pas.”

“Ah, oui,” Anne sourit. “Paige est encore à ce stade. Pendant qu'on y est, je préférerai Madame Winston à ‘tante Anne.’”

Kate sourit légèrement. “Je ne savais pas que tu étais revenue, sinon je serais venue te dire ‘bonjour.’ Oncle Greg a mentionné que tu étais à New York. Comment étais-ce?” se renseigne-t-elle, espérant que la question fera déplacer la discussion sur un autre sujet que celui de sa meilleure amie. Kate sait mieux que quiconque qu'il ne faut pas être au milieu de la relation qui existe entre Paige et sa mère.

“C'était génial de retourner là-bas et de revoir de vieux amis. Et le shopping!”

“Je ne suis pas retournée à New York depuis que Brian et moi nous nous sommes fiancés. Ça me manque.”

“J'avais oublié que tu y avais vécu,” fait remarquer Anne, s'inquiétant que Kate puisse rendre visite à Jane Sumner. Le plan qu'elle a conçu dépend que ces deux-là n'aient aucun contact.

“Je vivais à Soho. Je prenais des cours de théâtre à l'Université de New York. Mon père enseignait là-bas

“Tante Annie! Tante Annie!” Mollie court avec empressement. “Est-ce que vous m'avez vue monter Beauty?”

“'Madame Winston, s'il te plait... et, oui je t'ai vue. Tu ferais une magnifique cavalière, jeune demoiselle.”

“Ouais et une cow-girl, aussi. Je vais être une cow-girl pour Halloween!”

“Comme c'est rustique, mon ange.”

“Pouvons-nous rejouer à Casper, Madame Winston? S'il vous plait?”

“Jouer à... quoi?” Anne regarde Kate confuse.

“Je ne sais pas. Le jeu auquel tu as joué avec eux pendant que tu les gardais. Mollie n'arrête pas de me demander d'y jouer avec elle mais je ne le connais pas.” Kate remarque l'état de désarroi complet de Anne. “Oh! Tu ne te souviens toujours pas de ce que tu as vécu après le tremblement de terre,” réalise-t-elle avec sympathie.

“Les enfants et toi, vous viviez ici? Et ton mari aussi?”

“Oui, Anne. Ainsi que Abby et Jack.”

“ABBY a vécu ici? Ce n'est pas étonnant que ma mémoire soit bloquée! Qui est Jack?”

“Son mari.”

“Elle est mariée à nouveau?” Anne fronce les sourcils. “Tu sais que ton oncle et moi nous nous séparons.”

“Il me l'a dit. Je suis désolée.”

“Que sera sera. J'ai toujours compté sur la bienveillance de mes maris, même s'ils ne l'étaient pas tous et je me réjouis à l'avance de retrouver mon indépendance. J'ai une petite idée. Laisse-moi le temps d'aller chercher mon appareil photo et allons faire une petite promenade autour du ranch. Toi et moi pourrions avoir une gentille et longue discussion, ma chère et les petits chéris pourront courir et ainsi ils seront épuisés. Je veux rattraper le temps perdu. Après Paige, tu es la personne dont je suis la plus proche.”

Kate regarde Anne avec scepticisme alors que cette dernière se dépêche de retourner au ranch. Elle hausse les épaules. Peut-être qu'elle souhaite finalement se rapprocher de nous maintenant qu'oncle Greg lui a dit que c'était terminé.

Une demi-heure et plusieurs photos plus tard, les femmes et les enfants ont atteint la partie herbeuse de la propriété, bordée par une rangée d'arbres. L'air automnal est vive et la brise souffle agréablement. Mollie court devant avec un bouquet de fleurs tandis que son petit frère suit, tombant de temps en temps mais se relevant rapidement et continuant à courir après elle tout en rigolant.

Anne marche d'un pas tranquille avec Kate qui sourit pendant qu'elle regarde fixement ses enfants devant, jusqu'à ce qu'un regard de tristesse apparaisse progressivement sur son visage.

“Qu'est-ce qui ne va pas, ma chère amie?” demande Anne avec compassion. “Est-ce que tu as le blues de l'automne? Allez, ‘Racontez-moi ça,’ tu te souviens?”

“Bien sûr. Cette émission radio me semble si loin maintenant,” soupire Kate. “As-tu déjà été au Japon, Anne?”

“Non. Au moins, je ne pense pas... mais actuellement, qui sait? On dit que j'ai été à Buenos Aires et je m'en souviens même pas.”

Kate fronce les sourcils. Elle sait au fond de son coeur, peu importe ce que sa mère a FAIT dans la vie, qu'elle n'a rien à voir avec la bombe qui a explosée dans son coffre-fort. Kate déteste que les enquêteurs de son oncle et le FBI fouillent la vie de sa mère; cela l'effraie. La seule personne qui pourrait qui pourrait savoir comment la bombe est arrivée dans le coffre-fort est Anne, qui a été comme le prétend son oncle en Argentine juste avant que le coffre-fort ait été expédié au Groupe Sumner.

Anne, réalisant qu'elle a soulevé un sujet douloureux, enchaîne rapidement, “Qu'est-ce qu'il y a avec le Japon?”

“Brian a appelé il y a un instant en disant qu'une vieille amie à lui est arrivée du Japon. Il a invité cette amie à dîner ce soir.”

“Ahhh, et tu es supposée te dédoubler pour pouvoir à la fois arriver à mettre les enfants au lit et à t'assurer que le dîner sera prêt.”

“Oui — c'est à peu près ça. Brian est tout le temps au bureau en ce moment. Je ne pense pas qu'il se souvienne comme peut-être fatigant une journée complète avec les enfants. Il rate des moments précieux avec eux, qu'il ne sera jamais capable de revivre.”

“Sans parler du temps qu'il passe loin de toi. J'ai bien peur, Kate, que c'est souvent le lot d'une femme de cadre dans une société : tenir la maison et briller comme hôtesse quand des invités passent. Je me souviens trop bien à quoi cela ressemblait. J'étais alors même plus jeune que toi. Dommage que je n'aie pas pu perdre la mémoire sur tout ça.”

Elles retrouvent les enfants qui se sont arrêtés devant deux tombes. “Va mettre les fleurs que nous avons cueillies sur la tombe de grand-mère,” dit Kate à Mollie en pointant du doigt la tombe de droite. La petite fille obéit. Le vent reprend, les arbres bruissent bruyamment et éparpillent aux alentours leurs feuilles — certaines sont jaunes, d'autres rouges et la plupart marrons.

Mollie se retourne vers Kate. “Qu'est-ce qu'il y a d'écrit sur la tombe de grand-mère? Lis-le-moi, maman. S'il te plait!” Brandon avance vers sa soeur avec un joyeux gloussement, son pull recouvert d'herbes et de poussières. Kate s'approche lentement, s'agenouille et prend ses enfants contre elle.

“Il est dit, ‘Claudia Sumner Whitaker... 1941-1998... Mère et grand-mère bien-aimée.’”

“Pourquoi pleures-tu?” demande Mollie alors qu'elle fait courir ses doigts à travers les cheveux bruns de sa mère.

“Parce que ma maman me manque. Et je sais combien elle nous aimait.”

Anne s'est mise de côté afin de prendre silencieusement encore plus de photos. Quelle grande photo pour effrayer Jane. Une jeune femme qui ressemble à la fille défunte de Jane devant une tombe. Si seulement ces moutards pouvaient bouger un peu — j'ai besoin d'une photo de Kate seule. Kate murmure quelque chose à ses enfants que Anne ne peut pas comprendre puis ils se déplacent loin d'elle. Parfait! Kate lit dans mon esprit. Anne peut prendre sa photo.

“Maman! Qui est-ce?”

Pendant que sa fille l'appelle, Kate ferme ses yeux, termine sa rapide prière, se lève et se dirige vers l'autre tombe où se trouvent maintenant les enfants.

“Ma cousine. Il y est écrit, ‘Mary Frances Sumner... 1969-1990... Un éclat de lumière dans les ténèbres.’ C'était la fille d'oncle Greg.” Le vent souffle bruyamment, par bourrasque et les grandes herbes se courbent. Anne ressent des picotements le long de la colonne vertébrale alors qu'elle écoute attentivement la conversation.

“Etait-elle gentille, comme le cousin Michael?”

“Je le pense, mon coeur, mais je ne l'ai jamais connue.”

“Vraiment?” Anne fait un pas en avant et place une fleur sur la tombe de Mary France. “Ni moi. As-tu déjà rencontré sa mère, Jane?”

“Non. Ma mère et oncle Greg se sont brouillés pendant des années. J'ai su que j'avais un oncle, une tante et une cousine quand je suis devenue adolescente mais ils étaient ici en Californie et nous dans le Connecticut. Quand nous sommes arrivés ici et que maman et oncle Greg se sont réconciliés, ma cousine était déjà décédée.”

“C'est si triste. Janie et moi étions les meilleures amies du monde au lycée. Sûrement que ou Claudia t'en a parlé?”

Kate secoue sa tête et Anne continue. “Et bien, après que j'ai épousé mon premier mari et que nous ayons déménagé pour l'Europe, Jane a épousé ton oncle et a déménagé ici avec lui. Quand je suis revenue à New York, Jane vivait encore là. Nous nous sommes rencontrés par hasard de temps en temps après qu'elle ait divorcé et qu'elle ait réemménagé à New York mais Mary Frances était à l'école. Je ne l'ai jamais rencontrée.” Anne fait un pas en arrière et regarde la tombe. Le vent souffle de nouveau en bourrasque. Un écrasant sentiment de culpabilité l'envahit soudainement.

Je devrais laisser cette pauvre. Elle repose en paix. Non — je me réconcilierai avec elle quand j'obtiendrais ce travail au sein de sa fondation. J'ai juste besoin d'effrayer Jane pendant quelques temps — la travailler assez pour penser qu'il y a quelqu'un qui veut lui causer des ennuis. Puis, je résoudrai cette ‘situation’ et passerait pour une héros auprès de Jane et son ennuyeux Conseil d'administration. Ils devront alors me donner le poste sur la Côte Ouest. Je travaillerai dure pour Jane —

“Fouille profondément.” La voix est un bruyant murmure, interrompant les pensées de Anne. Elle regarde autour d'elle, paniquée. Kate et les enfants sont entrain de s'éloigner, essayant de s'approcher d'un lapin qui surgit dans l'herbe.

“Kate! Est-ce que tu as dit quelque chose?”

“Non!” répond Kate, perplexe. Le vent souffle de nouveau en bourrasque.

“Fouille profondément.” Anne remarque que la voix qui chuchote a une tonalité masculine quand elle l'entend pour la seconde fois. Les arbres bruissent sous le vent. Elle regarde vers la tombe de Claudia.

“Tu es aussi pale qu'un fantôme.” Le commentaire de Kate fait tressauter Anne. Elle regarde la jeune femme qui se rend à côté d'elle et regarde derrière elle avec inquiétude.

“Il commence à faire frisquet,” répond Anne rapidement. “Récupérons les enfants — et tu pourras retourner à la maison pour préparer le dîner. Je suggère quelque chose de non japonais. Et de la cuisine californienne?” dit Anne nerveusement, essayant de cacher son inquiétude pendant que Kate et elle commencent à retourner vers le ranch avec les enfants.

Les feuilles qui tombent des arbres recouvrent les fleurs que Anne avait placées sur la tombe de Mary France.

 

Le bar sportif Tequila Sunrise :


“Voici vos nachos et vos bières,” annonce la serveuse, les posant sur un comptoir à côté de la table de billard. Sur un large écran de télévision, un match de football américain bat son plein avec les clients du bar sportif le plus à la mode dans le centre ville de Knots Landing. Jack regarde avec attention la table de billard songeant à son prochain coup.

Lydia, portant sa queue de billard, se dirige vers le comptoir, prend une poignée de chips dans le plat et les fait passer avec une gorgée de sa bière. “Jack, dépêche-toi avant que les nachos soient froids. Ce sont les meilleurs de la ville.”

Tout en se penchant, Jack vise et tire avec soin. Son coup rate d'un poil. Il sourit. “C'est ce que je voulais faire afin que je puisse manger avant que cela soit froid.”

“J'espère que la bière améliorera ton jeu, Directeur Réparateur. Autrement, nous aurons à changer ta dernière réplique pour le ‘Visage désolé du Groupe Sumner.’”

“Ouais, ouais, rigole bien Gutierrez — pendant que tu le peux,” dit Jack au comptoir où il déguste sa bière. “Je me règle. Je ne veux pas t'éblouir sur-le-champ avec mes dons pour le billard — ”

Lydia exécute un tir compliqué et deux boules finissent leur course dans deux trous différents. Elle se tourne vers lui et sourit. “Des années de pratique,” explique-t-elle modestement. “C'était une grande idée, Jack. C'est sympa de se défouler. La campagne pour le Nouveau visage nous a demandé beaucoup d'effort. Tu as vraiment fait un travail louable comme porte-parole dans les jours qui ont suivi l'explosion.” Elle fronce sympathiquement les sourcils lorsque son collègue rate un autre coup.

Pourquoi suis-je alors si tendu? se demande alors intérieurement Jack. Ce que j'ai besoin c'est...

 


“...Relaxez-vous, Mort, je ne vais pas vous mordre — même si vous aimeriez que cela soit le cas,” ajoute Abby, espérant que cette plaisanterie aidera Mort à se détendre. Il est assis droit comme une flèche, comme un écolier qui vient d'être appelé par son institutrice. La serveuse vient juste de leur apporter leur salade. Les clients se parlent silencieusement sous une lumière douce et de la musique classique jouée par un pianiste situé dans le coin de la pièce. Les baies de l'Océan donnent sur la marina de Knots Landing.

“La compagnie des belles femmes me rend toujours un peu nerveux,” répond Mort.

Abby roule ses yeux. “Et combien d'entre-elles se laissent prendre à ce plan?”

“Pas mal — mais je ne m'attendais pas à vous, Madame Ewing,” ajoute-t-il rapidement quand un sourire entendu éclaire le visage de Abby.

Elle fronce les sourcils. “Pourquoi? Et ne suis-je pas une superbe femme? Et vous pouvez laisser tomber les formalités, Mort; nous sommes tous les deux des directeurs. Appelez-moi Abby, s'il vous plait.”

“Vous n'êtes pas seulement belle, vous avez de la classe, Abby.” Mort se détend enfin dans sa chaise. “Monsieur Sumner a été un imbécile de vous laisser partir.”

“Il n'a pas eu le choix. Je suis partie. Mais je suis de retour. Et c'est en fait la raison pour laquelle je vous ai invité à dîner ce soir. Qu'est-ce que vous pensez de Greg?... ”

 


“...Nous sommes ici à cause de Greg?” demande Lydia avec un léger froncement de sourcils. “Va-t-il nous rejoindre? J'espère que dans ce cas, il est meilleur au billard.”

“Non. Je veux dire, oui. Je veux dire... Je voulais parler de Greg mais ce n'est pas pourquoi nous sommes là —“

“Qu'est-ce qui ne va pas, Jack? Tu ne sembles pas détendu ou content — ici ou au travail. Comment te sens-tu au sein du Groupe Sumner?... ”

 


“...Je suis très frustré puisque vous abordez le sujet.” Mort hésite mais Abby le regarde fixement avec intérêt, aussi il continue. “J'ai été au Groupe Sumner depuis plus longtemps que n'importe quelle personne de la direction à l'exception de Tim Murphy qui semble toujours avoir été là.”

“Oui,” réplique Abby avec amusement, “J'ai entendu dire que Tim avait été envoyé par Galveston auprès de Kitty Hawk pour négocier les droits sur le premeir avion des Frères Wright.”

“Amusant,” dit Mort qui continue rapidement. “J'ai le sentiment d'avoir payé mon dû et d'avoir été patient. Je supporte les blagues de mauvais goût de Monsieur Sumner mais je suis constamment oublié ou ridiculisé. Personne ne me prend au sérieux... ”

 


“...Ce n'est pas vrai. Moi, par exemple, je te prends au sérieux. Puis-je faire une observation, Jack? Pas comme la directrice de la communication qui façonne ton image mais comme une collègue... et une amie?” Lydia réussit facilement un autre coup et se retourne immédiatement vers Jack qui pour toute réponse incline la tête.

“Tu es dans une position au sein du Groupe pour faire une incroyable différence. Tu as une image très en vue et un charme à tomber par terre, ce qui est un avantage pour faire passer un message. Et tu as une intelligence naturelle — tu as pigé en peu de temps. J'ai débuté au sein du Groupe en même temps que toi et je dois parfois fournir un gros effort pour continuer ton apprentissage.” Elle rate son coup et Jack se lève pour prendre sa place.

Il place sa main sur son épaule et la serre, “Merci Lydia,” dit-il sincèrement. Elle lui sourit chaudement tandis que leurs yeux se rencontrent.

Trente secondes plus tard, alors que Lydia baisse les yeux vers la table de billard. “Tu semble être tendu pour apprécier l'instant présent. Tu ferais mieux de préparer attentivement ton prochain coup.”

Jack se penche et lui fait une grimace du coin de l'oeil, la dernière allusion de Lydia n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Jack envoie une boule dans un coin. “Vois ce que tu peux faire,” indique-t-elle, “quand tu cesses d'être mal à l'aise. J'aimerais que tu interviennes plus en réunion de direction. J'ai apprécié d'entendre ce que tu as dit les quelques fois où tu es intervenu.”

“Je suis intimidé, aussi je reste silencieux et j'essaye de rester dans l'ombre... ”

 


“...Il est définitivement temps de passer au premier plan,” Abby marque une pause et Mort se penche en avant lentement. “J'ai remarqué combien vous êtes frustré et que vous avez besoin de le partager. Greg est un hommes d'affaires astucieux mais quand vous le réunissez avec Tim et Bob, leurs tendances conservatrices conduisent à maintenir le statut quo. C'est un comportement normal d'un point de vue juridique et financier mais nous avons d'autres facteurs à considérer au Groupe Sumner. Nous sommes sur le point de franchir un nouveau millénaire après tout — c'est le moment parfait pour dépoussiérer un peu les choses.”

Elle savoure ces interactions. Mort est suspendu à chacun de ses mots — c'est une pâte molle entre ses mains. Un petit flirt agressif et le directeur de la logistique sera bon à croquer. Elle étend ses bras et prend ses mains entre les siennes. “Accrochez-vous, Mort. Des changements — positifs — vont se produire. Il y a une rumeur persistante qui dit qu'à l'aube du nouveau millénaire, on verra le coucher de soleil de Tim Murphy — il envisage de prendre sa retraite. Vous avez une maîtrise de droit, si j'ai bien compris.”

Mort sourit, leurs mains encore jointes. “Comment savez-vous cela?”

“Vous êtes de la maison depuis assez longtemps pour savoir que je sais tout.” Elle ouvre sa main et tape dans la sienne par espièglerie avant de reposer sa main sur ses genoux. “Sérieusement, j'ai beaucoup d'influence auprès des clients et quelques paroles de moi bien placées feraient certainement de vous le choix naturel pour remplacer Tim comme l'avocat de la société — et personnel — de Greg.”

“Je vous ai jamais vu si relaxé, Abby. Vous ne méritez certainement pas votre réputation. Je ne vous insulterai pas en partageant ce que... ”

 


“...Vous me demandez si je pense que Abby est une garce,” clarifie Lydia alors qu'elle se penche, vise, tire et met dans un grand bruit sec la boule numéro huit dans le trou.

“C'est, euh... une autre façon de voir la question,” répond Jack en buvant une gorgée de sa bière et appréciant la vue très penchée que Lydia fournit jusqu'à ce qu'elle se retourne triomphante. “Joli coup,” admet-il.

“J'admire Abby. Elle est une directrice de premier plan, pratiquement la deuxième en chef, d'une multinationale. Elle est intelligente, sûre d'elle et obtient des résultats. Elle est aussi étonnamment astucieuse quand il s'agit d'investissement. Le monde des entreprises est encore un monde à prédominance masculine, Jack. Je vis cela tous les jours. Est-ce que je pense que ta femme est une garce à cause de son attitude au bureau? Non. J'ai vu tant de directeurs hommes pire que ça, récolter plus que récompenser et ne jamais s'inquiéter des étiquettes désobligeantes.” Elle prend une gorgée de sa bière. “Pourquoi? TU PENSES que Abby est une garce?”

“Bien sûr que non. Mais... “ Jack regarde la compassion dans le visage de Lydia et continue, “Je ne me sens pas proche d'elle quand je suis au travail. C'est comme si c'était une personne différente. Elle est sur ses gardes; je peux dire qu'elle n'est pas sincère. Elle manque de... chaleur. Elle est impersonnelle...”

 


“...Ecoutez, je ne travaille pas pour être amie avec tout le monde. J'ai toujours été capable de garder ma vie personnelle. Comment autrement pourrais-je travailler aussi étroitement avec mon mari et mes enfants? Pour moi, les affaires viennent en premier et ça l'a toujours été. Et tous ceux qui sont proches de moi le savent bien. Je sais que cela me donne une réputation et vous savez quoi? Je m'en contrefiche. Je ne suis pas arrivée dans les affaires en achetant toutes les personnes avec qui je travaille avec des cartes de voeux pour égayer leur journée. Mais je respecte la loyauté, l'intelligence et les travailleurs et j'interviendrai en faveur de ceux que je respecte. Je vois en vous toutes ces qualités, Mort,” dit avec intensité Abby, essayant de ne pas rire...

 


“...Les gens au bureau disent la même chose à mon sujet : ‘très posée.’ Je sais que Mort m'appelle ‘Le Glacier.’” Alors que Lydia termine, elle regarde ses pieds et machinalement donne un coup de pied dans la table de billard.

Quelque chose dans la vulnérabilité de Lydia touche Jack. Il se penche vers elle, “je ne pense pas que tu sois froide. En fait, je me sens plus proche de toi que de personne d'autre au sein de l'équipe de direction y compris de Abby... ”

 


“...Je veux être quelqu'un qui soit proche de vous,” Mort sourit avec ce parfait degré de timidité pour être suggestif sans être trop offensif. Il se penche et regarde dans les yeux Abby, dans l'attente de quelque chose.

“Je ne sais pas quoi dire,” répond Abby avec le ton parfait pour sembler sincère. “Faisons un accord. Vous votez à ma façon sur certains problèmes de direction qui pourraient surgir et qui serviront nos buts et je vous aiderai dans vos efforts pour succéder à Tim quand il prendra sa retraite. Qu'est-ce que vous dites de cela?... ”

 


“...Je ne sais pas quoi dire,” répond à contrecoeur Lydia au compliment de Jack.

“Ne dis rien,” murmure Jack tandis que Lydia et lui s'embrassent passionnément, les bras de Lydia se lèvent et s'entourent autour du cou de Jack...

 


“...Marché conclu!” Mort prend la main de Abby et la presse doucement jusqu'à ses lèvres.

Abby est prise par surprise par ce geste galant. “Formidable,” sa voix se casse légèrement. Il lâche sa main. Elle s'éclaircit la gorge. “Merci.”

“Non, c'est moi qui VOUS remercie,” dit-il en souriant. Chaque chose en son temps, pense-t-il avec suffisance...

 


...Jack et Lydia arrêtent de s'embrasser et gênés font un pas en arrière.

“Heummm... euhhhhh... ” Jack regarde Lydia.

“Exactement.” Elle incline de la tête.

“J'aime ma femme. C'est que... je ne sais pas ce qui c'est... c'est... “

Lydia incline sa tête sur le côté pendant que Jack fouille dans ses poches. “Nul besoin d'en faire une analyse.” Il la regarde avec soulagement. “Mais nous devons continuer à nous serrer les coudes au travail et nous supporter professionnellement. Ce soir c'est juste deux directeurs tourmentés qui se sont un peu défoulés.”

“Tu es une femme stupéfiante, Lydia,” dit Jack avec reconnaissance.

“Tu n'en as aucune idée,” répond-t-elle.

 

 

Au même moment chez les Cunningham :

“Ça me fait très plaisir de vous rencontrer, Masako,” dit Kate, ne sachant quoi dire d'autre. Elle n'est pas vraiment ravie d'avoir à préparer le dîner pour une ancienne amie de Brian, dont elle n'avait jamais entendu parler avant ce soir — mais qu'est-ce qu'elle pourrait faire d'autre de toute façon, alors elle décide de faire de son mieux.

“Ça me fait plaisir à moi aussi, Kate. Vous avez une charmante maison,” répond Masako.

Alors que Kate sert du vin à tout le monde, Olivia bondit de derrière la porte. “BRIAN! Je suis rentrée!” s'exclame-t-elle.

Très bien, comme si ça ne suffisait pas que je doive servir la vieille amie de Brian, sortie je ne sais d'où, je dois aussi servir sa flemmarde de soeur, pense Kate alors que Olivia s'assoit à table.

“Olivia, heureuse que tu sois là juste à l'heure pour le dîner, comme ça tombe bien,” dit Kate avec une exaspération dans la voix qu'elle tente désespérément de cacher.

“Et bien, Katie, si Brian t'a épousée, c'est que tu dois être une excellente cuisinière. Qu'est-ce qu'il y a au dîner ce soir?” répond Olivia d'une voix sirupeuse. Après tout, ce n'est certainement pas parce que tu es une gagnante.

“Poulet grillé et salade d'avocat,” répond Kate catégoriquement.

Brian continue de balayer Masako du regard. Elle a encore cet air innocent que j'ai toujours aimé. Je croyais ne jamais revoir ce tendre sourire.

“Au fait, Masako, Brian m'a parlé de votre—” Olivia est brusquement interrompue par Brian.

“De la... mutation... de ton père et à quel point ça avait été soudain,” dit Brian en donnant un coup de pied à sa sœur sous la table.

“Oui. Ça a été réellement soudain. Nous avons tous été surpris que Royuki Motors le transfère de cette façon sans réellement l'avertir à l'avance, spécialement mon père,” dit Masako les yeux fixés sur Brian.

“Devinez quoi, au fait... j'ai une bonne nouvelle, en particulier pour toi, Katie. J'ai trouvé un appartement, dans lequel je vais emménager demain soir. Mais ne vous inquiétez pas, je continuerais à venir dîner ici. Tu ES une excellente cuisinière, Kate,” dit Olivia gaiement.

“Merci, Olivia. C'est formidable que tu ais trouvé un endroit où habiter si rapidement. Félicitations,” dit Kate, qui se réjouit de récupérer enfin sa maison — bien, et un membre de ma belle-famille en moins, pense-t-elle.

“Félicitations, soeurette! Quand est-ce que je pourrais venir te voir?” demande Brian, pensant lui aussi à quel point c'est une bonne chose que Olivia ait soudainement trouvé un appartement et qu'elle quittera leur maison dans moins de 24 heures.

“Heum... aussitôt que je serais installée. Je te le ferais savoir,” dit Olivia.

Alors que le repas se poursuit, Brian et Masako ne cessent d'évoquer le passé. Au fil des histoires qu'ils racontent, Kate commence à se sentir exclue. Dans un moment inhabituel der possessivité, elle demande “Brian, pourrais-tu m'aider à apporter le dessert?”

“Bien, chérie,” il répond alors que tous deux disparaissent dans la cuisine.

Olivia et Masako restent seules à table, une opportunité que Olivia saisit.

“Et bien, Brian et toi, vous semblez avoir une complicité que le temps n'a pas détruit,” dit-elle à Masako.

“Oui, nous sommes proches depuis des années, c'est dur de perdre une telle habitude,” répond Masako.

Olivia reste silencieuse, espérant que Masako va en dire plus.

“Olivia, est-ce que Brian est heureux dans son mariage avec Kate?” demande timidement Masako.

Olivia rit. “Bien sur que non. Sinon, pourquoi cacherait-il à sa femme ce qu'il y a eu entre vous?”

“Je n'aurais jamais cherché à le revoir si j'avais su qu'il était marié. Je ne sais pas pourquoi c'est une telle surprise pour moi, mais c'est quelque chose que je n'aie jamais envisagé,” continue Masako.

“Oh, Masako, Brian est tellement heureux de t'avoir ici. Ça se lit dans ses yeux. Ne t'inquiète de rien. Demain, quand son pot de colle de femme ne sera pas dans les parages, tu pourras lui parler seul à seul,” dit Olivia en souriant.

Au même moment, Brian et Kate sont dans la cuisine. Brian dispose un assortiment de cookies sur un plat, et Kate sort une tourte aux pommes du four. Autour d'eux plane une tension que chacun feint de ne pas remarquer.

“Kate, tu ne trouves pas que c'est étrange que Olivia ait trouvé un appartement aussi rapidement et doive y emménager demain? Tu ne trouves pas ça un peu louche?” demande Brian.

“Pas plus étrange que de faire la connaissance d'une vieille 'amie' de mon mari perdue de vue. Est-ce que je dois m'attendre à voir débarquer d'autres amies pour le dessert? D'autres japonaises qui auraient prévu de s'arrêter par ici?” demande Kate durement.

Normalement, Brian se serait permis d'argumenter, mais dans ce cas précis, il sait que Kate n'a pas vraiment tort. Il sait qu'elle a senti qu'il y avait plus que de l'amitié entre lui et Masako.

“Et si on apportait le dessert,” propose-t-il.

Kate apporte en silence la tourte aux pommes dans la salle à manger, tandis que Brian apporte un plat de cookies.

“Mmmm... ça a l'air délicieux, Kate! Brian, je ne sais pas pourquoi tu ne dînes pas plus souvent à la maison — je veux dire, ce n'est pas à cause de la nourriture puisqu'elle est excellente!” dit Olivia, saisissant l'occasion de narguer Kate une fois de plus.

Kate préfère ne rien dire parce qu'elle sait que tout ce qu'elle pourrait dire à ce moment-là ne serait pas agréable à entendre. Je ne peux plus attendre qu'elle quitte enfin ma maison! J'en ai assez de devoir me montrer gentille avec elle en dépit de ses commentaires désobligeants. Et qui est cette fille assisse en face de moi à ma table? Pourquoi les yeux de Brian s'illuminent dès qu'elle ouvre la bouche?

Brian regarde son assiette. Il y a trop de secrets à cette table. Je déteste mentir à Kate; j'ai besoin de lui dire la vérité au sujet de Masako et moi. C'était il y a longtemps, et elle doit comprendre pourquoi je dois la revoir maintenant qu'elle est en ville. C'est juste que c'est dur en ce moment à cause de la tension qui réside entre nous. Et je sais que Olivia me cache quelque chose. Cet appartement tombé du ciel, c'est trop étrange pour être vrai.

Olivia sourit en regardant sa part de tourte. Et bien, Katie n'a pas l'air heureuse. N'est-ce pas honteux? Elle n'a jamais été assez bien pour mon petit frère. Je suis impatiente de partir d'ici. Je suis fatiguée de rentrer à la maison tous les soirs pour la voir bouder et pleurnicher. J'espère juste que Brian ne se doute de rien.

Masako jette un coup d'œil furtif en direction de Brian. Il est toujours aussi beau. Je ne veux pas mettre en péril son mariage, même si les sentiments que nous avions l'un pour l'autre sont toujours présents. Je vois bien comment il me regarde, et je sais qu'il aimerait passer du temps avec moi. Peut-être que Olivia a raison. Je m'arrangerai pour le voir seul demain. Lui et moi avons besoin de parler.

Tous les quatre finissent de manger dans un silence inconfortable, chacun étant perdu dans ses propres pensées.

 

Et Maintenant...

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