Maintenant - Le cimetière Memorial de Knots Landing :

Paige est assise sans mouvement alors que les funérailles se poursuivent. Elle ne veut pas retourner la tête parce que si elle rencontre le regard de Kate, elle sait qu'elle va s'écrouler. Elle se force à voyager mentalement, à emmener son esprit ailleurs...

 

Deux jours auparavant - Le Groupe Sumner :

"Ne me touche pas!" s'écrie Paige à l'attention de Greg. Elle pousse un cri aigu et se rend compte que Greg à sa jambe prisonnière des débris. Elle est peut-être cassée.

"Ne bouge pas! Je vais chercher de l'aide," s'écrie Kate. Paige regarde Kate qui commence à paniquer. "Katie, tu restes ici avec lui," dit-elle. Elle s'éloigne, jette un oeil afin d'évaluer les dégāts et part chercher du secours.

"Comme si j'avais le choix..." marmonne Greg dans la douleur.

Paige se dirige vers les ruines du bureau de Greg. Ses pas sont prudents afin de ne pas déstabiliser quelques débris vacillants. Elle passe au-delà de ce qui semble être un monceau de décombres. En se frottant les genoux, elle se rend compte de quoi il s'agit en réalité.

"Maman! Nick! Mon Dieu..." s'écrie-t-elle. Sa mère est sous le corps de Nick, recouvert d'une couche de débris.

Elle regarde autour d'elle et essaie de voir si quelqu'un pourrait l'aider à retirer les deux corps. Elle se retrouve à l'endroit précis où était placée la bombe. Ses yeux sont attirés à deux mètres de cet emplacement.

Elle laisse échapper un hurlement à glacer le sang lorsqu'elle comprend ce qui se passe devant elle.

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Aujourd'hui — Les funérailles :

La voix de Kate ramène Paige à la réalité.

"Paige? Paige?" dit-elle.

"Quoi?" demande Paige sans détourner le regard.

"Le service funèbre est terminé. Brian et moi allons dehors prendre un bol d'air. Tu veux venir avec nous?"

Paige ne répond pas et espère que, pour une fois, Kate ne va pas insister. Pendant que les gens sortent de la chapelle, Paige observe prudemment le cercueil et veut s'assurer que tout le monde soit sorti avant qu'elle ne s'en approche. Elle ôte ses lunettes de soleil et s'agenouille en face de la dépouille mortelle. Trop d'émotions se bousculent en elle : elle ne parvient pas à rassembler ses pensées ni à dire tout ce qu'elle désire.

Tout à coup, une colère incontrôlable s'empare d'elle et elle ne peut s'empêcher de donner un coup de pied au cercueil en bois. La rage est à son paroxysme.

"Comment as-tu osé, Tom? Tu m'as encore abandonné! Tu m'avais promis que jamais plus tu ne recommencerais! Tu m'avais dit que tu serais toujours là!" Paige frappe violemment le cercueil avant que des larmes lui inondent le visage et l'empêchent de continuer son monologue.

Elle reste là, debout devant le cercueil, impassible, comme si le temps venait de s'arrêter. Deux bras puissants l'enlacent soudainement. Elle sursaute avant de comprendre de qui il s'agit.

"Chuuuut... Tout va bien," lance une voix apaisante.

Paige reçoit un baiser. C'est en se retournant qu'elle voit le visage grave et réconfortant de Mack. Sa présence lui procure un sentiment de gratitude. Malgré les années de tension entre lui et Tom, Mack est là, maintenant que sa fille besoin de lui.

"Mack! Il est mort. Comment est-ce possible?" pleure-t-elle. Mack la serre plus fort. Il ne dit rien à sa grande fille.

Paige se laisse aller au réconfort et à la protection de son père. Mack se souvient du mariage avorté entre elle et Tom quand ce dernier l'avait laissé seule face à l'autel. Il l'avait réconfortée à l'époque, tout comme il le fait maintenant.

Alors qu'elle commence à se calmer, Mack lāche son emprise sur elle.

"Ça va aller, ma chérie?" demande-t-il, empreint d'inquiétude.

Paige hoche la tête et s'essuie les quelques larmes de son visage. "Je vais bien," dit-elle de son mieux.

"Michael t'attend à l'extérieur. Il veut te parler," ajoute Mack. "Quand tu seras prête."

"Je sors dans une minute. Laisse-moi encore quelques instants, Papa. D'accord?" demande-t-elle.

Mack essaie de ne pas réagir. Il peut compter sur les doigts d'une main le nombre de fois que Paige l'a appelé "Papa". Chaque fois qu'elle le fait, il comprend alors à quel point il aime sa fille et ce, malgré toutes leurs différences. Il lui donne un baiser et la laisse seule dire un dernier adieu à son ami.

Paige s'agenouille à nouveau devant le cercueil. Cette fois-ci, elle a repris ses esprits.

"Et bien, Tom, nous y voilà. Tu m'abandonnes encore une fois, au moment où j'ai le plus besoin de toi. Je suppose que c'est ta coutume dans une église. Comme la dernière fois."

Paige se tait. Elle se remémore le jour de son mariage, lorsque Tom ne s'est jamais présenté. "Tu sais, Tom, j'étais là, devant tous ces gens, en robe de mariée. Je t'attendais. J'étais folle de toi. Je me souviens avoir pleuré toute la nuit sur les escaliers de notre appartement avec Mack. J'ai pleuré comme jamais je n'avais pleuré de toute ma vie. Je t'aimais tellement à l'époque. Je voulais que nos deux vies ne fassent plus qu'une. Je voulais vivre avec toi jusqu'à la fin de mes jours. Et j'ai tant pleuré pour toi. J'étais en colère. Même lorsque j'ai découvert que c'était Greg qui avait tout manigancé, ma colère ne s'est pas apaisée. J'ai toujours cru que tu aurais pu trouver une solution. Une solution qui ne m'aurait pas blessée à ce point. Mais en quel honneur serais-tu différent des autres hommes?"

Paige prend en main une des roses qu'elle avait déposées sur le cercueil de Tom. "Je croyais vraiment ne plus jamais te revoir et j'aurais peut-être préféré cette situation. J'aurais continué à te détester et jamais plus tu n'aurais pu me blesser."

Elle cesse de parler et s'interroge sur le passé. "Et si nous nous étions mariés? Comment serions-nous maintenant? Habitant dans ce voisinage béat dont on s'est toujours moqué? On aurait peut-être de beaux bébés autour de nous? Des petits garçons jouant aux policiers, des petites filles jouant à la poupée?"

Paige à la gorge qui se noue. Elle n'a plus envie de jouer au jeu des "Et si?"

"Après tu es revenu, et j'étais tellement furieuse. Mais aussi furieuse que j'étais, je voulais te pardonner. Je ne voulais pas croire que tu étais cette personne qui m'avait abandonnée sans aucune explication. Quand j'ai découvert que Greg t'avait soudoyé, je m'attendais à te tomber dans les bras et à tout recommencer. La vérité, je crois, est que je n'ai jamais cessé d'aimer Greg. J'étais en colère contre lui mais en même temps mon amour pour lui se renforçait, puisque je comprenais alors jusqu'où il pouvait aller pour me garder à ses côtés."

Paige redépose la rose sur le cercueil. "Tom, j'ai essayé de t'aimer à nouveau. Je voulais vraiment t'aimer. Je savais combien toi tu m'aimais. Plus je passais de temps avec toi et plus mon désir de t'aimer s'intensifiait. Mais peut-on vraiment contrôler ses sentiments? Je n'étais plus amoureuse de toi. J'en suis navrée. Au fil du temps, j'ai appris à t'aimer comme un ami. Tu étais le seul à me comprendre vraiment. Le seul à connaître la véritable Paige Matheson, celle que personne ne voit jamais. C'est pour cette raison que je t'aimais. Je suis désolée de n'avoir plus su t'aimer comme tu l'aurais voulu. Mais je ne pouvais pas ignorer mon amour pour Greg. Mais tu savais tout ça...n'est-ce pas?"

Elle s'interrompt à nouveau et inspire profondément. "Alors, nous revoilà ici. Retour à la case départ. Une fois de plus, tu m'as laissée et une fois de plus, je pleure sur l'épaule de Mack. Mais cette fois, je ne suis pas en colère contre toi. Je suis fière de toi. Tu as essayé de nous sauver tous. Sans penser à toi. Tu es mort en héros. Tu n'as pas toujours été mon héros mais crois-moi, tu vas me manquer, Tom." Une larme coule sur sa joue. Elle se relève et aperçoit Michael venir dans sa direction.

"Paige, ça va?" demande-t-il. Il l'embrasse rapidement.

"Oui, Michael, merci d'être venu me voir. C'est Mack qui t'envoie?" demande-t-elle avec un sourire forcé.

"Je ne suis pas venu voir si tu allais bien. Tu sais te débrouiller seule. Tu es forte," lui rappelle Michael.

"Je ne me sens pas aussi forte, aujourd'hui."

"Je peux faire quelque chose pour toi?" demande-t-il.

"Oui, tu peux. Tu peux me changer les idées autant que tu veux. Je n'ai plus la force de penser à tout ça maintenant."

"D'accord. Et bien, que dirais-tu de discuter de mes problèmes? Je te saoule de mes soucis comme d'habitude, comme ça tu n'as plus te temps de penser aux tiens. Ça te va?" demande Michael en souriant.

"Ça m'a l'air parfait!" répond-elle en s'offrant un sourire quelques courts instants.

"Et bien, maintenant, non seulement Lori et Holly ont disparu mais en plus, Sean est parti aussi. Je ne sais plus quoi faire. Je suis en train de tout perdre."

Paige éprouve une soudaine douleur à l'estomac. Elle n'a plus pensé à la disparition de Lori depuis deux jours. Avec les événements, elle s'est détachée de la réalité et du monde qui l'entoure. Elle regarde son beau-frère et, en un instant, perçoit toute la douleur dans ses yeux.

"Toujours pas de nouvelles de Lori?" demande-t-elle tout en connaissant la réponse.

Michael secoue la tête.

"Bon sang!" Paige s'excite. "Qu'est-ce que tu fais encore ici? Va retrouver ta fille!"

"Paige, je ne sais même pas par où commencer. J'y pensais la nuit dernière : je ne la reverrais peut-être jamais."

Paige inspire profondément. "Michael, écoute-moi attentivement," dit-elle d'une voix tremblante. "Tu as toujours la possibilité de retrouver ta fille. Ne perds pas une minute. Chaque minute qui passe t'éloigne d'elle toujours plus."

"C'est ce que je vais faire. J'ai réservé un vol vers l'Est. Je pars dans quelques jours. Je voulais m'assurer d'abord que tu allais bien. Après tout ce que tu as fait pour moi, je ne pouvais pas m'en aller comme ça."

Paige sent ses yeux s'emplir de larmes mais elle se force à les réprimer.

"Michael, si tu t'inquiètes vraiment pour moi, si VRAIMENT tu veux me remercier pour tout ce que j'ai fait pour toi, alors pars à la recherche de ta fille. Je suis sincère. Il faut que tu fasses ça pour moi. S'il te plaît." Sa voix tremble. Elle attend la réponse de Michael.

"D'accord, Paige. Si tu en es sure, je pars dès demain matin," dit-il.

"Merci, Michael. Tu ne sais pas ce que cela signifie pour moi." Elle embrasse son beau-frère tendrement. "Maintenant, sors et rassure Karen et Mack que je ne me suis pas prise les poignets dans les épines des roses. J'arrive dans quelques instants, s'ils leur en faut la preuve."

"OK," répond Michael. Il se dirige vers l'extérieur afin de rejoindre sa famille, non sans avoir jeté un regard d'inquiétude vers Paige.

Paige s'agenouille pour la troisième fois devant le cercueil de Tom et ne dit mot. Quelques minutes passent. En se relevant, elle sent une présence. Elle se retourne et est surprise de voir Karen.

"Karen!"

"Désolée, je ne voulais pas te faire peur. Je voulais m'échapper de la foule et j'ai pensé revenir ici pour voir comment tu allais."

Paige se rend compte que ces funérailles ont dū évoquer à Karen les pénibles souvenirs de la mort d'Eric.

"Je vais bien. Et toi?"

"Ça va. C'est dur de voir Tom s'en aller...de cette façon... violente, terrible. Ça aurait pu être Mack. Ou Meg. Ou toi. Je ne crois pas que Mack aurait survécu s'il t'avait perdue de cette manière."

"Après tout ce que je lui ai fait endurer, il est toujours là pour me soutenir," dit Paige pleine de gratitude.

Karen lui sourit. "Bien sūr qu'il est là. Il t'aime tellement. Nous t'aimons tous."

Paige laisse un silence s'imposer et dit ensuite, "Eric a eu beaucoup de chance dans sa vie, Karen. Il avait tant de personnes pour prendre soin de lui. Tant de personnes qui ont été frappées par sa mort."

"Non. C'est moi qui ai eu de la chance. La chance d'avoir eu un fils aussi merveilleux." Karen ne parle plus. Elle ferme les yeux et repense à la mémoire de son fils quelques instants. Ensuite, elle regarde Paige et lui dit, "Reste donc avec nous ce soir. Il n'y a aucune raison pour que tu sois seule chez toi."

"Je crois que tu as raison. Juste pour cette nuit. Merci, Karen." Paige et Karen sortent ensemble de la chapelle.

A la porte, Paige s'arrête et se retourne une dernière fois. Au revoir, Tom," soupire-t-elle.

 

L' hôpital :

Val et Gary font les cent pas dans le couloir du département des soins intensifs de l'hôpital Memorial de Knots Landing. Ils ont renvoyé Betsy à la maison. Karen s'en occupe. Après tout ce que leur fille a subi aujourd'hui, elle n'a plus la force de rester encore ici, si près des événements et de la panique qu'ils engendrent.

Le coeur de Gary bat la chamade à la seule idée de perdre son fils. Il se remémore la mort de son père, Jock. Inutile de dire que lui et son père avaient une multitude de différences. Mais, malgré tous les conflits, Gary avait éprouvé de douloureux sentiments de tristesse et de vide lorsque Jock est mort. Gary n'avait jamais été conforme aux critères de succès édictés par son père. Malgré tout, il désirait désespérément être accepté et aimé de Jock, qui est mort avec un sentiment d'échec en pensant à son fils Gary.

En envisageant la possibilité de perdre son fils unique - le fils pour lequel il a fait tant d'effort afin d'être un meilleur père que Jock - Gary sent ses émotions brūler en lui. Des émotions qui le poussent dans ses derniers retranchements. Cependant, au moment d'atteindre le point de non-retour, sa colère interne s'apaise grāce aux attentions que lui prodiguent Valene, notamment lorsqu'elle lui prend doucement le bras pour l'emmener dans la salle d'attente.

Sans dire un mot, ils se regardent et devinent leurs propres pensées. Les regards fragiles de Gary décuplent les sentiments d'inquiétude et d'angoisse concernant la vie de leur enfant. Val se retourne afin de cacher ses larmes et s'empresse d'afficher un regard plein d'espoir quand ses yeux croisent ceux de Gary. Comme par le passé et certainement encore à l'avenir, Valene est la force de Gary en période de souffrances. Même si elle-même ne parvient pas toujours à être à la hauteur de cette tāche, c'est dans ces situations pénibles qu'elle comprend la complexité de la personnalité de son mari, un homme fondamentalement merveilleux qu'elle a aimé sans relāche la majeure partie de sa vie.

Cependant, alors qu'elle rassure Gary par des regards empreints d'amour et d'espérance, son coeur se soulève rapidement. Elle est prise d'un accès de panique et regarde l'agitation autour d'elle, le corps tendu. Elle surveille tout, le pouls rapide et les mains tremblantes. Son coeur s'accélère au moment où les drames du passé la rattrapent mentalement.

A ce moment, elle n'a plus l'impression de vivre dans le présent mais dans un vide temporel. Elle ne peut pas croire qu'elle est assise au même endroit, dans la même salle d'attente qu'il y a de très longues années lorsque Karen est apparue après l'opération fatale de Sid. Une tension s'empare d'elle, les battements de son coeur se font assourdissants dans ses oreilles. Elle a toujours détesté les hôpitaux et ce, pour de bonnes raisons. Les hôpitaux sont censés apporter espoir et santé mais pour Val ils n'ont ont jamais apporté que douleur et chagrin.

Gary continue à voyager dans le passé comme jamais auparavant. A-t-il vraiment aimé son père? Ou bien s'est-il menti à lui-même? Il n'aura jamais la réponse à cette question. La question essentielle qui le taraude est : que pensent Bobby et Betsy de lui? Il sait que Val lui a pardonné ses erreurs du passé, mais qu'en est-il des enfants? L'aiment-ils vraiment? Où pensent-ils qu'il est toujours intéressé par Abby? Il a abandonné leur mère plus d'une fois. Le détestent-ils en secret pour cela? Aura-t-il l'occasion de dire à son fils combien il l'aime et à quel point il est fier de lui? Pourra-t-il jamais lui dire qu'il est désolé?

Val aussi se torture l'esprit dans les méandres du passé. Elle avait depuis longtemps accepté l'idée que le temps ne guérit jamais les blessures. Il ne fait que les recouvrir, tel un patchwork de mauvaise qualité. Si le temps guérissait vraiment les blessures, elle ne devrait plus se sentir aussi perturbée chaque fois qu'elle voit ses enfants partir quelque part. Ou, pire, elle ne devrait plus souffrir à ce point à chaque fois qu'elle repense à la naissance de ses enfants, au fait qu'ils lui ont été volés et qu'elle a bien failli les perdre pour toujours. Elle croyait avoir échappé à la fatalité une bonne fois pour toutes mais maintenant que son fils est dans le coma, aux soins intensifs, confiné dans une chambre stérilisée, seul et sans sa mère à ses côtés pour lui apporter amour et réconfort, Val comprend sans appel que le temps ne guérit aucune blessure. Au contraire, tel un courant maritime perpétuel, le temps vous laisse reprendre de l'oxygène, il vous laisse oublier votre destin avant que de nouveaux courants ne vous emportent à leur tour et vous noient dans d'autres douleurs, plus longues et plus douloureuses."

"Gary... ton papa est mort." Il entend encore la voix de sa mère au téléphone depuis Dallas lui annonçant la fin de cette légende du Texas qu'était son père.

"Non! Je... Je les ai vus! Je les entendus pleurer!" Val aussi ressasse le passé.

"Monsieur et Madame Ewing?" demande encore le chirurgien. Il les a déjà appelés deux fois mais Gary et Val sont tellement pris dans leurs pensées qu'ils n'ont rien entendu. Ils lèvent la tête et interrompent leurs réflexions intérieures. Ils ne sont pas certains d'être prêts à entendre ce que le médecin va leur annoncer. Tous deux savent que l'avenir de leur famille dépend des secondes qui suivent.

"Il s'est réveillé et il va s'en sortir, Monsieur et Madame Ewing. Nous nous attendons à une guérison complète très rapidement."

Gary et Val se regardent et leurs expressions stoïques laissent place à une joie salvatrice. Ils s'écroulent dans les bras l'un de l'autre sans dire un mot. Leurs larmes de soulagement se mélangent en silence.

 

Non loin de là :

Les portes de l'ascenseur de l'aile des soins intensifs s'ouvrent. Greg Sumner apparaît dans une chaise roulante. Cet homme puissant est affaibli par ses blessures aux deux jambes. Toutefois, ce ne sont pas ses jambes mais son ego qui a le plus souffert de cette épreuve. Il sourit légèrement en pensant quelle pourrait être la réaction de ses ennemis s'ils le voyaient aussi affaibli.

"Hé," lance-t-il à une infirmière qui travaille consciencieusement sur une série de documents. Il interrompt cette dernière dans sa tāche et elle s'approche du bureau d'accueil. "Vous avez des nouvelles sur l'état d'Anne Math...euh Sumner?"

"Monsieur! Que faites-vous ici sans accompagnement? Où est passé votre aide infirmier?"

"Ah, vous voulez dire ce petit dictateur avec lequel vous m'avez laissé? J'ai pris congé de lui. Il me tapait sur les nerfs! En outre, je crois être plus que qualifié pour pousser moi-même une chaise roulante dans un hôpital. Ça me permet de m'entraîner en vue de mes vieux jours, une fois que ma femme m'aura mise dans une maison de retraite. C'est d'ailleurs là où je voulais en venir."

"C'est-à-dire?" demande l'infirmière.

"Ma femme! Vous vous souvenez, Anne Sumner! La chātelaine qui empoisonne mon existence..."

"Anne Sumner, dites-vous?" L'infirmière ignore ses sarcasmes et vérifie sur l'ordinateur. Pendant ce temps, Greg regarde autour de lui. Il n'a jamais été un grand adepte des hôpitaux. A ses yeux, un hôpital, c'est juste une façade, une grosse boîte qui ne sert pas à grand chose. C'est peut-être parce qu'il n'a jamais beaucoup investi dans la pratique médicale. Dans les affaires, il est constamment plongé dans le monde de l'offre et de la demande, dans les actions et obligations, dans les flux monétaires prévisibles et sans danger. Les bénéfices peuvent être répertoriés, les accords modifiés, il peut contrôler le moindre détail des symphonies commerciales et industrielles qu'il orchestre. La médecine, à l'inverse, est une autre affaire. La santé humaine est un jeu beaucoup plus aléatoire. Un homme d'affaires se contrôle. Quiconque dirige ses propres affaires est un dieu en soi même dans un microcosme. Par contre, la médecine, les gens malades, cela relève de l'immatériel, de l'intangible aux yeux de Greg. Les médecins ne contrôlent pas les situations, ils agissent suivant des forces imprévisibles - Dieu, Bouddha, le Néant, peu importe. Tout ce qu'il sait, c'est que les sciences humaines s'assimilent à l'acquisition d'actions boursières incertaines. Ce sont des prises de risque qui, en fin de compte, vont vous couler.

"Anne Sumner. Oui, oui. Elle est toujours en réanimation. Elle n'est pas encore sortie du coma. Son état ne s'est pas amélioré depuis son arrivée," répond l'infirmière.

"Je vois," rétorque Greg. "Et qu'en est-il de son petit copain italien?"

"Monsieur?" demande l'infirmière, confuse.

"Oh, de toute façon, il est arrivé ici inconscient, il n'a donc pas pu vous faire les yeux doux," plaisante Greg. "Sinon, vous n'auriez pas oublié Nick Schillaci."

"Je suis désolée, Monsieur, mais je ne suis pas autorisée à donner des informations sur les patients, si ce n'est à la famille proche." Le ton de l'infirmière est courtois.

"Et bien," répond Greg, "Heureusement que Nicky n'est pas une priorité absolue pour moi."

"Oh, Docteur Sawyer!" L'infirmière apostrophe un médecin. "Monsieur Sumner, voici le Docteur Sawyer. Il travaille aux soins intensifs. Il pourra vous en dire plus au sujet de votre femme."

Greg se retourne et aperçoit un jeune homme, probablement entre 28 et 32 ans, vêtu d'une combinaison chirurgicale. "Hé, dites-moi, comment va Anne Sumner?"

"Et bien, à vrai dire, son état est malheureusement critique. Elle a été hospitalisée avec des blessures assez graves... Je suis au regret de vous dire, Monsieur, que pour l'instant, nous ne pouvons plus rien pour votre femme."

Où ai-je déjà entendu pareille réplique? se demande Greg.

 

Et Maintenant...

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