La plage de Knots Landing au clair de lune :

Pourquoi diable est-ce que je me torture l'esprit? Jack Ewing se pose cette question en courant sur la plage. Il respire profondément et ses introspections s'intensifient au fur et à mesure qu'il accélère sa course. Je pourrais être tranquillement à la maison avec ma femme mais il a fallu que j'épouse Abby Ewing, la reine des conférences qui travaille quinze heures par jour. J'ai parfois envie d'abandonner cette vie faite de grosses entreprises et de contrats commerciaux pour aller m'installer dans une ferme et profiter de la vie. Oui, ce serait bien. Abby en fermière. Discutant de ses hectares de terre.

Soudain, les pensées de Jack sont interrompues. Il prend peur lorsqu'une femme apparaît devant lui.

"Gary? C'est toi?" s'écrie-t-elle.

"Aaaiie!" s'exclame Jack, pris par surprise. Il freine sa course subitement afin de ne pas foncer dans cette inconnue et s'échoue sur le sable. "Aaiie!"

"Ça va?" demande-t-elle à Jack. Il est assis, essoufflé.

"Oui, oui," répond-il. Il se masse le pied. "Je crois que je me suis foulé la cheville."

"Oh, je suis désolée! Je suis navrée." Elle s'agenouille. Jack remarque que cette femme est d'une rare beauté. Ses yeux sont magnifiques. "Désolée, je voulais échapper à un homme et je suis venue sur la plage. Lorsque je vous ai vue, j'ai cru que vous étiez mon ami Gary Ewing."

"En fait, je suis son cousin! Jack." Il se relève.

"Vous avez effectivement un air de famille." Elle sourit. "Vous allez pouvoir marcher?"

"Je vais essayer." Il accepte la main que lui tend la jeune femme et titube sur le sable. "Je crois que mon jogging est terminé pour ce soir. Mais je crois pouvoir retourner chez moi, en boitant un peu."

"Bien. Je peux vous tenir compagnie?" demande-t-elle. "Je ne veux pas être seule si Chip revient."

"Chip?"

"Oui. C'est mon ex-petit ami. Il ne veut pas accepter que c'est fini entre nous. J'ai l'impression qu'il me poursuit depuis une éternité," soupire-t-elle.

"Je ne connais pas votre nom... Comment connaissez-vous Gary?"

"Ciji. Ciji Dunne," répond-elle fièrement. "Et Gary est la meilleure chose qui me soit arrivée. Il m'a persuadée que je pouvais devenir une star et il m'en a donné les moyens."

"Attendez une minute. Abby m'a parlé de vous. Elle m'a dit que vous êtes morte assassinée!"

"En effet. On aurait pu croire à la fin de l'histoire mais Chip ne me lāche pas d'une semelle. Il continue à me harceler, à me dire qu'il m'aime mais il ne cesse de me blesser."

"Mais vous êtes morte et..." Jack est sceptique. Il se met à sourire. "Super. J'ai dū me blesser bien plus que je ne le croyais! Je suis en proie à des hallucinations."

"Non, non, croyez-moi."

"Je n'ai pas de fièvre pourtant," dit-il en se touchant le front.

"Jack! Je vous prie. Vous ne croyez pas aux fantômes?" demande-t-elle d'un air moqueur.

"Non. Je n'ai jamais eu l'occasion d'en rencontrer."

"Peut-être vais-je vous faire changer d'avis," dit-il d'un air malicieux.

"J'en doute," répond Jack. "La question est : dois-je en parler à Abby ou bien faut-il garder ce nouveau mensonge pour moi?"

"C'est la deuxième fois que vous mentionnez Abby. Quelle est votre relation avec elle?"

"C'est ma femme," rétorque-t-il.

"Vous savez, aussi longtemps que je serai en vie... oh, je suppose que c'est une expression que je ne peux plus utiliser. De toute façon, je ne parviens pas à comprendre l'influence qu'a cette femme sur les hommes. Vous avez l'air sympathique et pourtant vous l'avez épousée."

"Pourquoi donc toutes les femmes de cette ville ne peuvent supporter la présence d'une femme forte et déterminée comme Abby? Surtout lorsqu'elles sont aussi fortes et déterminées? Je crois qu'elles sont jalouses!"

"Les autres femmes de cette ville sont aussi ambitieuses que Abby mais elles ne détruisent pas les autres pour arriver à leurs fins."

"Je ne connaissais pas Abby à l'époque où vous l'avez connue mais je n'arrive pas à croire qu'elle a toujours été comme ça. Oui, c'est une femme d'affaires impitoyable mais elle ne vit pas que pour elle." Sa famille a toujours été sa priorité et toutes ses activités concourent à la bonne marche des activités économiques," répond Jack en protestant.

"Mon cher, je crois que votre réveil sera pénible." Ciji est prise d'une légère angoisse et regarde derrière elle. "Je vais y aller. Désolée pour l'entorse."

"Au revoir." Elle s'éloigne en courant. Jack continue de boiter jusqu'à sa voiture le long de la route. "Un fantôme! Et en plus je lui ai parlé! Peut-être que je suis en train de rêver. Non, les rêves ne font pas si mal."

"Excusez-moi, Monsieur" dit une voix venant de nulle part. Jack se retourne et aperçoit un jeune homme aux cheveux noirs, tout sourire. Jack ressent un malaise immédiat face à cet inconnu au sourire étrange. "Avez-vous vu passer une femme ici? Vous voyez, c'est ma petite amie et nous avons eu une petite dispute ce soir. Je voudrais la rattraper afin de m'excuser."

"Oui, je l'ai vue." Jack l'observe avec attention. "Elle est partie dans cette direction."

"Merci, l'ami!" L'inconnu se dirige alors dans la direction que Jack vient de lui indiquer, c'est-à-dire du côté opposé vers où Ciji a disparu.

"Et vous êtes?" demande Jack.

"Chip. Encore merci." Chip Roberts le salue poliment et s'éloigne.

Jack frissonne. "C'est de plus en plus étrange. Pourquoi est-ce que j'hallucine à propos de gens que je n'ai jamais rencontrés?" se demande-t-il à haute voix.

"Que dirais-tu de quelqu'un que tu as déjà rencontré?" s'exclame une voix. Jack se retourne et aperçoit une grande et belle blonde à ses côtés.

"Ja... Jamie?" Il est tétanisé.

"C'est moi. Ta petite soeur préférée." Elle sourit joyeusement. "Tu ne me crois pas?"

"Comment est-ce possible?"

"Il faut que tu saches que des éléments qui dépassent la raison font partie de ce monde," explique Jamie. "Tu ne peux pas appréhender une personne ou un événement en deux minutes, Jack. Dans ce monde, rien n'est simple et la valeur d'un être humain ne se mesure pas au nombre d'heures de travail quotidien.”

"Je sais tout ça!" marmonne-t-il. "Pourquoi es-tu ici? Y a-t-il une explication à ces apparitions?"

"Non, il n'y a pas de raison. Je voulais simplement te dire que je t'aime. N'aie pas peur de déployer tes ailes. Ta personnalité possède de multiples facettes dont tu n'as même pas idée. Ne crains pas de les explorer," déclare-t-elle affectueusement. Elle s'approche de son frère et l'embrasse sur le front.

"Jamie..." Il soupire avec force. Il ouvre ses yeux. Jamie a disparu. "Jamie, reviens! Je te crois!"

Il n'a pour toute réponse que le silence de la nuit. Il essuie une larme et se racle la gorge. Il marche et se rend compte que sa douleur s'est volatilisée.

"De quoi parlais-tu Jamie?" Jack sourit, lève les yeux vers le ciel. "Merci, petite soeur.”

 

Au milieu de nulle part :

Janice est garée sur une aire d'autoroute déserte. Elle se force à boire du café. Il faut bien rester éveillée, pense-t-elle. Une fausse piste de plus dans cette enquête. Et il me faut encore deux heures de route pour rentrer chez moi.

Elle n'avait pas objecté une seule seconde lorsque Mack lui avait suggéré cette escapade. Elle était trop heureuse de penser à autre chose qu'au quinzième anniversaire de sa rencontre avec Sandy. Mack lui avait raconté une fois sa fête d'anniversaire avec Karen. Dans son siège, elle se repose et son esprit vaque aux anecdotes qu'elle et Sandy auraient pu raconter si elles avaient organisé une fête pour célébrer leur union. Les images défilent dans la tête de Janice : Sandy dans sa chambre à l'Université du Missouri, Sandy en train de décorer leur premier appartement à Saint-Louis, Sandy se moquant des tremblements de terre californiens-

Ses pensées sont interrompues par un coup sur la vitre. Un visage sombre apparaît.

"NOM DE-" Janice se relève d'un coup sec et renverse un peu de café.

"Je suis désolée, Madame, je ne voulais pas vous faire peur." La voix passe au travers de la vitre.

"Et bien le mal est fait". Janice le regarde et essaie de reprendre ses esprits. ."

"Je... Je suis désolé. J'espérais que vous pourriez m'aider à rejoindre Knots Landing."

Etonnée par ces propos, Janice lui adresse la parole. "C'est à plus de 200 kilomètres d'ici."

"Oui, mais je croyais que vous pourriez me prendre à bord. Il faut que j'y sois ce soir."

"Pourquoi croyez-vous que je rentre à Knots Landing ce soir?"

"Je ne sais pas... J'ai vu l'autocollant de votre concessionnaire à l'arrière de la voiture. Il faut absolument que je vois un de mes amis ce soir..."

Janice évalue la situation. C'est un homme robuste, c'est clair. Il domine même la voiture avec son pantalon et son pull noirs. Mais sa voix et ses yeux dégagent une certaine chaleur qui font hésiter Janice. Avoir quelqu'un à qui parler pourrait lui éviter de s'endormir au volant. Et puis, j'ai toujours mon ami en métal en dessous du siège, pense-t-elle. "D'accord, mon grand. Montez. Mais pas de blagues."

L'inconnu sourit aux anges. "Vous êtes d'accord? Oh, merci, Madame. Vous ne le regretterez pas." Il fait le tour de la Mustang de Janice vers le siège passager. Janice lui ouvre la porte. Ils reprennent l'autoroute.

L'homme se fait plus silencieux et il semble assez nerveux. Ses doigts ne cessent de tapoter ses genoux. "Ça vous dérange si j'allume la radio?" demande-t-il.

"Non, mais bonne chance. Tout ce que j'ai pu capter ce soir, c'est de la friture."

Il manipule le tuner et tombe sur une station de jazz. "Eh, pas mal," lance Janice qui a vite compris que les quelques notes de saxophone l'avait relaxé.

"Oui, ça c'est de la musique." Il s'étend sur le siège.

"Moi, c'est Janice au fait."

"Je m'appelle... Jerry. ... JER-RY," répète-il comme s'il disait son prénom pour la première fois.

"Oui, merci de répéter. Mais j'ai déjà entendu ce prénom." Janice espère que cette pointe d'humour va calmer ses propres soupçons.

"Oui, j'ai l'air bizarre. Mais c'est juste que... Je ne sais pas. Vous n'avez jamais eu l'impression qu'un mot qui vous est familier devienne tout à coup bizarre ou drôle à vos yeux? C'est un peu comme ça avec mon prénom."

"Ah bon... Pas avec le mien."

"Je n'arrive pas à l'expliquer. C'est comme si je n'avais plus prononcé ce nom depuis très longtemps... Je délire... J'espère que je ne vous effraie pas. Je ne suis pas un fou en liberté, si c'est ce que vous pensez."

Les sourcils levés, Janice se laisse aller à un mensonge, "Oh, non, ça ne m'a même pas traversé l'esprit."

L'homme continue. "Je vais être honnête avec vous, d'accord? Mon médecin m'a dit que la maladie dont je souffre va provoquer des accès de démence. C'est tellement frustrant."

Janice se sent tout à coup coupable d'avoir été aussi soupçonneuse. "Ah, vous avez le SIDA. Je suis désolée. J'en ai perdu des amis, à cause de cette maladie.”

"Et vous, excusez-moi mais... vous êtes homosexuelle, n'est-ce pas?"

"Décidément! C'est si évident?"

L'homme se met à rire suite à cette dernière réplique . "C'est sūrement à cause du rainbow flag apposé sur votre voiture..."

Janice éclate de rire. "D'accord. MAINTENANT, à vous. Vous en êtes...?"

"Homosexuel? Non!" Il se secoue la tête. "Mais après avoir appris ma séropositivité, j'ai fréquenté des groupes d'entraide psychologique. Il y avait des homos dans le groupe. Des types très sympas. Ils m'ont aidé à exorciser ma colère face à cette maladie."

"Pourtant, vous avez l'air en parfaite santé. Vous suivez une trithérapie?"

"Je l'ai suivi. Mais ce cocktail de médicaments m'a rendu tellement malade que j'ai dū envisager des soins alternatifs. Maintenant, je me sens mieux. Je n'ai plus été aussi bien depuis une éternité. Merci!"

"Merci pour quoi?"

"D'avoir dit que j'avais l'air en parfaite santé. J'ai perdu beaucoup de poids. J'ai envie de dire que ma propre fille ne me reconnaîtrait pas mais ce serait faux : elle me soutient depuis le début."

En l'observant sous la lumière du clair de lune, Janice pense. Si c'est ce à quoi il ressemblait malade, je ne peux pas imaginer à quoi il ressemblait en bonne santé. Il pourrait être le symbole de la robustesse. Elle préfère changer de sujet. "Et où est votre fille en ce moment?" demande-t-elle.

Il se gratte la tête. "A Chicago avec son mari. Du moins, je suppose. Je ne sais plus quoi penser." Il se tait et la seule la musique de la radio, accompagnée des bruits de la route, se fait entendre.

"Jerry, qui vous attend à Knots Landing?"

"Mon vieux collègue et ami. Il est avocat. Mais il ne sait pas que je viens ce soir."

Janice le regarde. "Vous êtes avocat? Moi aussi. C'est la nuit des coïncidences."

"Avocate? Je suppose que vous travaillez pour une de ces grosses boîtes de la côte?" Il sourit.

"Non. Nous ne sommes que deux associés. C'est un petit cabinet."

"Vraiment? " s'étonne l'homme. "Est-ce que vous connaissez Mack Mackenzie? On a travaillé ensemble il y a quelques années."

Janice lāche son pied de l'accélérateur et freine subitement. Derrière, une voiture évite de justesse la Mustang et la dépasse, non sans montrer son irritation.

"Seigneur! Alors... vous êtes Frank?"

L'homme regarde droit devant lui. "Frank... Jerry... Ça n'a plus d'importance."

"Vous avez l'air si... si différent. Nous nous sommes rencontrés au dîner de Thanksgiving, chez les Mackenzie. Vous vous souvenez? Juste avant le tremblement de terre."

"C'est possible," répond-il tristement. "Comme je vous l'ai dit, je ne parviens plus à me souvenir de certains événements."

"Frank, que faisiez-vous sur cette aire d'autoroute?"

"J'espère que mon vieil ami Mack va pouvoir me le dire. C'est pour cette raison qu'il faut que je le voie. Il sait pourquoi je suis ici. J'ai tout oublié, à l'exception de mon admission à l'hôpital de Chicago."

Le pouls de Janice s'accélère. Les lignes tracées sur l'autoroute défilent de plus en plus vite. Elle ne comprend pas. C'est peut-être quelque que chose qui me dépasse. Une chose est sūre. Il faut le conduire à Knots le plus vite possible. La vitesse grimpe : 100... 120... 140...

Tout à coup, les phares éblouissants d'une patrouille de police apparaissent à l'horizon arrière. "Zut!" Janice ralentit et s'arrête sur la bande d'urgence. L'officier sort de son véhicule et se dirige vers la portière.

Janice ouvre sa vitre. "Voici mes papiers," dit-elle. Elle fouille dans son sac. "Mais j'ai une urgence médicale-"

"Madame, veuillez sortir du véhicule, je vous prie."

"Vous avez entendu? Cet homme a besoin de soins dans un hôpital!" La voix de Janice s'élève mais elle obéit à l'injonction de l'officier de police.

Ce dernier se retourne et regarde son véhicule. La portière arrière s'ouvre. Une silhouette sort de la voiture. Janice ouvre grand les yeux et voit apparaître une femme au sourire radieux dans la lumière des phares. Elle porte une robe d'un blanc immaculé. On dirait un ange.

"Pat!" Frank se précipite vers sa femme et l'embrasse. Elle met les mains dans les cheveux de son mari. "Tout va bien, nous sommes en sécurité maintenant. Tu peux m'appeler Samantha." Puis Janice l'entend lui dire : "Viens, on rentre à la maison.”

Samantha emmène Jerry dans la voiture de police. L'officier les suit, laissant Janice dans l'hébétude la plus totale. Les portières se referment et...

Janice est assise dans son siège. Elle regarde aux alentours. La voiture de patrouille a disparu.

Ses mains tremblent. Elle boit une gorgée de son café. Le gobelet est plein mais le café est complètement froid. "Ce n'est plus la peine de le boire," marmonne-t-elle. Son rêve lui hante encore l'esprit. "Il faudrait peut-être que je contacte mon avocat au sujet de la nourriture vendue dans cette station." Elle met le moteur en route et reprend sa route. Un panneau illuminé par le clair de lune indique que Knots Landing n'est plus qu'à 70 kilomètres et au loin, la douce musique d'un saxophone se mélange au vent.

 

La chambre de Valene Ewing, où elle est entrain de chercher son inspiration sur un cahier jaune :

"C'est la partie que je déteste le plus," grommelle-t-elle.

Elle rature la dernière phrase qu'elle vient d'écrire. "Il faut que je trouve la meilleure manière d'entamer ce chapitre..." Son travail s'interrompt brusquement au moment où les lampes s'éteignent. L'obscurité emplit la pièce.

"Parfait. Simplement parfait." Elle soupire, se lève du lit et se dirige vers la porte. Elle tamponne légèrement dans un obstacle gisant sur le sol obscur. "Gary, combien de fois faudra-t-il te dire de ne pas laisser tes bottes près de la porte?"

Elle n'attend aucune réponse de sa part puisque Gary n'est pas à la maison ce soir. Elle ouvre la porte et s'engouffre dans le corridor. Elle passe devant la chambre de sa mère et continue vers le palier afin de rejoindre le rez-de-chaussée.

"Vous êtes là les enfants?" demande-t-elle d'une voix faible.

"Oui, ici, Maman." La voix de Bobby provient de la salle de séjour. "C'est ennuyant. Tu crois que la panne va durer longtemps?"

"Je ne sais pas, mon chéri. Tu pourrais peut-être te mettre au lit. C'est ce que je vais faire," explique Val.

Betsy parle à son tour. "Papa n'est même pas encore rentré."

"Il ne va pas tarder," réplique Val. "Il y a des bougies et des lampes de poche dans la cuisine si vous avez besoin de lumière."

"Oui, mais c'est pas ça qui va nous permettre de voir 'Dawson's Creek'!" La voix de Bobby exprime l'irritation.

"Oh, ça va. Tu la verras la semaine prochaine ta Katie Holmes," lance Betsy.

"C'est ça! Parce que toi tu ne mates pas James Van Der Geek, peut-être," réplique Bobby.

"Van Der Beek," corrige Betsy d'un air ennuyé. "Peu importe."

Val intervient. "Bon, comme je vois que votre conversation est des plus intéressantes, moi je vais dormir."

"Faites attention quand vous monterez. Prenez une lampe de poche."

"Oui, Maman." Les jumeaux répondent de concert. Val descend quand même dans la cuisine et prend une lampe de poche dans un des tiroirs de la cuisine. Elle remonte vers sa chambre en éclairant les escaliers par un faisceau de lumière. Elle referme la porte et dépose la lampe de poche sur la coiffeuse, lumière vers le plafond. Elle s'y installe, face au miroir, afin de se brosser méthodiquement les cheveux.

"Vaaaalll." Une voix douce se répand dans la pièce. Val cesse de se coiffer et se retourne, intriguée. Etait-ce le vent ou bien la voix d'une femme? Elle hausse les épaules et reprend ses longs cheveux en mains. "Vaaaalll."

"Les enfants, si c'est vous, sachez que ce n'est pas drôle!" Elle regarde la porte. Celle-ci est toujours fermée. "J'ai horreur des pannes de courant."

Elle vire la tête à nouveau pour faire face à la coiffeuse et sursaute en y voyant un autre visage dans le reflet du miroir. Elle se retourne subitement. Personne d'autre n'est dans sa chambre. Au même instant, elle entend un rire moqueur. Val commence à trembler de peur. Effrayée, elle balaye du regard la pièce et finit par soupirer de soulagement. Elle est bien seule.

"PEEUU!" s'écrie une voix. Val est prise de panique. Une femme est à ses côtés. Elle a le visage pāle et sa beauté est atténuée par des signes de douleur et de folie. Ses cheveux sont longs, un rien bouclé. Val comprend vite qu'un fantôme la harcèle.

"Jill," murmure-t-elle d'effroi. Elle saisit la lampe de poche et illumine cette apparition de Jill Bennett. Les pensées de Val se mélangent. Il faut que je fasse une diversion pour qu'elle ne s'attaque pas aux jumeaux. Elle ne peut pas savoir qu'ils sont ici...

"Ce n'est pas pour les jumeaux que je suis venue. Je suis venue pour te voir," dit-elle froidement.

Comment peut-elle savoir... pense Val.

"…ce que tu penses, Val?" s'écrie Jill. "C'est ça?"

LES ENFANTS, SAUVEZ-VOUS! SORTEZ DE LA MAISON!" Val est en train d'hurler et se précipite vers la porte. Elle se retourne. Personne.

"Toujours aussi naïve, n'est-ce pas? Ils ne peuvent pas t'entendre. Et même s'ils t'entendaient, courir ne pourra pas les empêcher d'échapper aux morts."

"Les morts?" Val est terrifiée. Ses jambes lāchent prise et elle se rattrape à un des meubles. "Laisse-moi. Je ne vais pas te laisser me tuer. Et je ne vais pas devenir folle."

"Oh, Val!" Jill éclate de rire. Sa voix est à la fois condescendante et arrogante. "Tout est tellement prévisible chez toi. Tu veux me convaincre que tu n'as pas peur de moi alors que tu es pétrifiée. Morte de peur que je suis revenue pour Gary ou pour faire du mal aux jumeaux, à cette famille qui AURAIT dū être la mienne. Ecoute, je n'ai qu'une chose à dire : sois soulagée."

"Sors d'ici... sors de mon esprit!" Val ne voit plus Jill et essaye désespérément de la localiser. Elle regarde à nouveau le miroir et là, l'image de Jill apparaît claire comme de l'eau de roche.

"Je viens de te dire : sois soulagée, Val." Jill soupire. "C'est toi qui as gagné. Tu as tout maintenant. Et moi, je suis morte. Mon plan a échoué. Il aurait pu être parfait.”
"Un plan parfait? Assassiner une mère et laisser ses enfants seuls?" demande Val, la voix empreinte de colère. Elle regarde la commode afin d'identifier un objet qui pourrait l'aider à se défendre.

"Non, Val. Pas ça. Je parle de mon suicide maquillé en meurtre. Quand je me suis verrouillée dans la voiture de Gary. Tu vois, je croyais que la police allait me découvrir à temps pour me sauver la vie. Je voulais que Gary aille en prison pour pouvoir l'innocenter par la suite. Il serait tombé à nouveau amoureux de moi et tout serait redevenu comme avant. Avant que tu te mettes à lui courir derrière."

"Tu es aussi folle dans la vie que dans la mort," déclare Val amèrement. Son corps est tendu. Elle est toujours sur la défensive au cas où Jill voudrait la blesser. Quelques gouttes de sueur commencent à perler sur ses tempes. Le visage de Jill s'adoucit.

"Tu as peut-être raison, pauvre Val. Pauvre Jill. C'était une déséquilibrée. Tu vois, le seul péché qu'on ne pardonne pas, c'est le suicide. Et puisque ma mort était un suicide, même si je ne l'avais pas prévue comme tel, j'ai été mise à l'écart des bienheureux. Pourtant je le mérite. C'est pour cette raison qu'il faut que tu m'aides."

"T'aider? Tu veux que je t'aide?" demande Val dans l'incrédulité totale.

"Tu me dois bien ça. Si tu acceptes de me pardonner pour avoir essayé de te tuer, j'aurais droit à une grāce. J'aurais ce que je mérite. Allez, Val, tu as tout ce que tu désires : Gary, les enfants, un foyer heureux. Je suis sure qu'il y a de la place pour le pardon dans ton coeur."

"Tais-toi, Jill. Tais-TOI! Comment veux-tu que j'oublie ce que tu as fait? Je n'oublierai jamais que mes enfants dormaient par terre pendant que tu me forçais à avaler des barbituriques. Je n'oublierai jamais que tout le monde a cru pendant des mois que j'étais folle et instable! Je ne te pardonnerai JAMAIS!"

"Que le diable t'emporte, Val." Jill est en colère. Son image reflétée dans le miroir commence à se tordre. Toute l'amertume et la haine de l'āme de Jill Bennett se dessinent maintenant sur son visage. Elle ouvre la main dans laquelle elle tient un petit flacon. "Tu viens d'évoquer ces barbituriques. C'est drôle. Je crois qu'il est temps de finir le travail."

"VA-T'EN!" Val attrape un des miroirs sur la commode et le casse sur le meuble. Elle brandit ensuite un des éclats pointus.

"TU NE PEUX PAS ME TOUCHER!" crie Jill. "Mais moi, je peux te TUER!"

"NON!" hurle Val alors que Jill s'approche d'elle, le flacon à la main. Elle lance de petites pilules de secobarbitol qui terminent leur course sur la commode. Cependant, aucune n'est avalée par Val. Jill crie de douleur et disparaît. Val s'écroule sur le sol et se croise les bras, tétanisée. Des larmes de soulagement coulent sur ses joues.

"Maman ça va?" La porte de la chambre s'ouvre. C'est Bobby qui appelle sa mère dans l'obscurité.

"Ou... Oui." Val réprime ses sanglots. "Je vais bien, chéri. J'ai cassé un miroir, c'est tout."

"D'accord, bonne nuit."

"Bonne nuit," répond Val, soulagée. Je t'ai encore battue, Jill Bennett. Tu n'as pas pu me tuer vivante, je ne vais certainement pas te laisser me blesser maintenant que tu es morte. Péris en enfer, Jill. J'espère que tu souffriras tes péchés pour le reste de l'éternité.

Elle se relève et regarde prudemment le grand miroir de la coiffeuse. Elle soupire profondément : seule son image y apparaît. Elle essuie ses larmes et, à l'aide de la lampe de poche, ramasse les morceaux du miroir brisé.

 

Et Maintenant...

Rendez-vous à l'Episode 22, Page 1, 2, 4 ou 5

 

Cliquez Ici pour Retourner à la Page d'Accueil